Un test grandeur nature pour mieux prévenir les crues

Le 29 janvier 2025, dans le Bas-Rhin, un exercice de mise en eau du polder de la Moder a été réalisé à Fort-Louis et Neuhaeusel. Ce type d’opération n’a rien d’anodin. Il s’agit de simuler une montée des eaux, comme si le Rhin connaissait une crue exceptionnelle, afin de vérifier que tout fonctionne : les vannes, les équipements de contrôle, les équipes humaines. Cet entraînement, réalisé hors période de crue réelle, permet de renforcer la réactivité en cas d’événement climatique majeur. Car on ne gère pas 5 millions de mètres cubes d’eau à la légère. Concrètement, l’objectif est de contenir temporairement l’eau du Rhin dans ce vaste bassin, pour éviter qu’elle ne se déverse dans les zones habitées. Le polder de la Moder est un dispositif unique en France : c’est le tout premier polder de rétention à avoir été mis en service sur la rive française du Rhin, en 1992. Depuis, il joue un rôle clé dans la prévention des inondations, même s’il reste peu connu du grand public. L’exercice de 2025 avait donc aussi pour but de rappeler l’utilité de ces aménagements, souvent invisibles jusqu’au jour où ils sauvent des villages.

Un ouvrage stratégique au service de la sécurité

Le polder de la Moder, c’est 240 hectares capables d’absorber jusqu’à 5,6 millions de mètres cubes d’eau, soit l’équivalent de plus de 2 000 piscines olympiques. En période normale, cette immense zone reste sèche. Mais quand le débit du Rhin dépasse un certain seuil (4 400 m³/s à la station de Maxau, en Allemagne), le polder peut être activé grâce à un système de siphons capables de canaliser 160 m³ d’eau par seconde. Une fois la crue passée, l’eau est évacuée progressivement. Ce type d’infrastructure s’inscrit dans une stratégie plus large : le Programme intégré du Rhin, qui cherche à mieux gérer les crues tout en réconciliant le fleuve avec ses zones naturelles inondables. Depuis plusieurs décennies, la construction de digues et de barrages a réduit l’espace disponible pour les débordements naturels. Les polders comme celui de la Moder sont donc une réponse à ce manque de « zones tampons », en créant des réservoirs temporaires pour l’excès d’eau. Ils permettent ainsi de réduire la pression en aval, protégeant des villes comme Strasbourg ou Lauterbourg d’inondations parfois dévastatrices.

Un équilibre entre sécurité et respect du vivant

Ces exercices techniques soulèvent aussi des questions environnementales et humaines. Que se passe-t-il, par exemple, pour les agriculteurs qui exploitent ces terres ? Pour les espèces animales qui y vivent ? Lorsqu’un polder est mis en eau, même temporairement, cela bouleverse les équilibres du sol, de la faune, de la flore. C’est pourquoi l’État, en lien avec les Voies Navigables de France (VNF), tente d’inclure tous les acteurs concernés dans la gestion de ces dispositifs : collectivités locales, agriculteurs, chasseurs, associations environnementales. La concertation est essentielle pour éviter les malentendus ou les tensions. Et l’information du public joue un rôle tout aussi important. Car comprendre le fonctionnement d’un polder, c’est aussi comprendre les choix d’aménagement du territoire. Face au changement climatique et à la répétition des événements extrêmes, il devient indispensable d’intégrer la gestion des risques dans notre quotidien, pas seulement en période de crise. L’exercice de mise en eau du polder de la Moder rappelle ainsi que la sécurité hydrologique d’un territoire ne se joue pas uniquement dans les bureaux d’experts, mais aussi sur le terrain, avec des solutions concrètes, testées, perfectionnées et partagées.