“On savait qu’il allait passer, mais pas comme ça.”

C’est une phrase qu’on a entendue plusieurs fois ces dernières semaines sur les hauteurs de Saint-Benoît, à La Réunion. Fin février 2025, le cyclone Garance a frappé l’île avec une violence que peu d’habitants avaient anticipée. Pourtant, les Réunionnais sont habitués aux tempêtes tropicales. Mais cette fois, c’était différent : des rafales à plus de 210 km/h, des pluies torrentielles et des dégâts qui rappellent que même avec tous les systèmes d’alerte du monde, on ne maîtrise pas encore les colères du ciel.

Un cyclone de forte intensité, mais pas exceptionnel sur le papier

Garance est né dans l’océan Indien comme beaucoup d’autres cyclones. Sa trajectoire laissait penser qu’il allait frôler La Réunion sans trop de dégâts. Mais il a légèrement bifurqué, et c’est là que tout a basculé. Le 27 février, il longe la côte est de l’île, apportant avec lui des vents destructeurs et une pluie battante qui va durer plus de 24 heures.

Sur les stations météo, les mesures parlent d’elles-mêmes : 224 km/h enregistrés au Maïdo, 1 100 mm de pluie tombés en deux jours sur le cirque de Salazie. À titre de comparaison, c’est comme si Paris recevait un an de précipitations en à peine 48 heures. Résultat : routes coupées, maisons inondées, toitures arrachées, lignes électriques à terre. Et surtout, cinq personnes ont perdu la vie.

Des conséquences humaines et matérielles très lourdes

Dans les jours qui ont suivi, le bilan s’est précisé. Plus de 30 000 foyers privés d’électricité, des écoles fermées pendant une semaine, des ponts rendus impraticables. Certaines zones, comme Takamaka ou Sainte-Rose, ont été coupées du monde pendant plusieurs jours. Dans les hauts, des familles ont été évacuées en urgence à cause des risques de glissements de terrain.

Les pertes agricoles, notamment dans la culture de la canne et des letchis, sont estimées à 250 millions d’euros. Pour de nombreux agriculteurs, cette saison est déjà considérée comme perdue. Et pour les assureurs, les premières estimations font de Garance l’un des événements les plus coûteux de ces dix dernières années à La Réunion.

Pourquoi cette intensité surprend encore en 2025 ?

Grâce aux équipes de Météo-France, La Réunion est équipée de systèmes d’alerte performants. L’alerte rouge avait été déclenchée à temps par le Préfet. Mais ce qui a surpris les habitants et les autorités, c’est la rapidité avec laquelle le cyclone s’est intensifié. Ce phénomène, qu’on appelle intensification rapide, devient de plus en plus fréquent avec le réchauffement climatique.

En clair, les eaux plus chaudes de l’océan fournissent davantage d’énergie aux cyclones, qui deviennent plus puissants en très peu de temps. Et même si les prévisionnistes avaient bien repéré ce risque, il reste difficile de prévoir avec précision les impacts au sol, notamment dans des reliefs aussi complexes que ceux de La Réunion.

Et maintenant ? Reconstruire, mais aussi repenser

Aujourd’hui, l’heure est à la reconstruction. Des fonds d’urgence ont été débloqués. L’État a reconnu l’état de catastrophe naturelle dans plusieurs communes. Mais la vraie question est celle de l’après. Comment renforcer les infrastructures ? Comment mieux anticiper ? Et surtout, comment vivre dans un territoire où le risque ne peut pas disparaître ?

Certaines pistes sont déjà sur la table : rehaussement des routes stratégiques, enfouissement des lignes électriques, renforcement des toitures dans les normes de construction. D’autres relèvent d’une mobilisation collective : réapprendre les bons gestes, renforcer les plans communaux de sauvegarde, sensibiliser dès l’école.

Se préparer, sans tomber dans la peur

Garance ne sera pas le dernier cyclone à frapper La Réunion. Et ce ne sera probablement pas le plus violent de ce siècle. Mais il nous oblige à faire face à une réalité simple : nous vivons sur une île volcanique, exposée, et de plus en plus vulnérable. Cela ne veut pas dire vivre dans l’angoisse permanente. Mais cela implique d’en parler, de s’organiser, et de transmettre ce que l’on apprend à chaque cyclone. Parce que dans ces moments-là, la meilleure protection, ce n’est pas juste un toit solide ou une alerte SMS. C’est une communauté qui sait ce qu’elle doit faire, ensemble.