Repenser l’aménagement et la gestion des risques
Avec plus de 3,3 millions d’habitants, le littoral méditerranéen est un espace sous haute pression, tant sur le plan démographique qu’environnemental. Développé au fil des décennies grâce à l’intervention de l’État, puis des collectivités locales, son aménagement fait aujourd’hui face à une remise en question majeure. L’exposition croissante aux risques liés à la mer et aux inondations, combinée aux effets du changement climatique, impose une refonte des stratégies d’aménagement et de gestion des risques littoraux.
Un modèle de développement menacé par les risques marins et les inondations
L’économie du littoral méditerranéen repose largement sur l’exploitation des atouts naturels du bord de mer : tourisme, pêche, transport maritime. Cette attractivité a entraîné un développement urbain intense, particulièrement en Provence-Alpes-Côte d’Azur, marqué par l’étalement des infrastructures et l’artificialisation des sols. Cette transformation des milieux naturels augmente l’exposition aux catastrophes, notamment aux inondations et aux submersions marines, dont la fréquence et l’intensité s’accentuent sous l’effet du changement climatique.
L’élévation du niveau de la mer, couplée à l’augmentation des tempêtes exceptionnelles, fragilise encore davantage les zones urbanisées. À cela s’ajoute la mobilité du trait de côte, phénomène prévisible qui modifie la géographie des rivages et rend vulnérables les infrastructures existantes. Malgré ces menaces, l’urbanisation continue souvent sans réelle prise en compte des risques, aggravant ainsi la vulnérabilité de la région.
Un manque de données consolidées sur la vulnérabilité et les coûts associés
Si la perception des risques s’améliore, notamment grâce aux observatoires et aux sites d’alerte, la connaissance des vulnérabilités reste encore trop fragmentée. L’évaluation des coûts liés aux inondations, à l’érosion et aux submersions marines demeure imprécise. Pourtant, ces informations sont essentielles pour guider l’élaboration des politiques publiques et orienter les décisions en matière d’aménagement.
L’impact économique des événements climatiques sur les infrastructures, les bâtiments et les réseaux de transport est considérable, mais mal quantifié. Sans une approche financière rigoureuse intégrant l’évolution des risques, les stratégies d’adaptation risquent d’être inefficaces ou insuffisantes.
Une action publique encore insuffisante face à l’urgence
L’État a mis en place des outils performants comme les plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) et les plans de prévention des risques littoraux (PPRL). Ces dispositifs, renforcés après la tempête Xynthia de 2010, offrent un cadre essentiel pour la gestion des risques. Cependant, leur application demeure hétérogène et parfois contournée au profit d’intérêts locaux d’aménagement.
Les documents de planification régionale intègrent encore peu ces enjeux, et lorsqu’ils le font, c’est souvent sans objectifs précis ni engagement de moyens. L’initiative de la région Occitanie, en 2023, qui s’est associée à l’État et à la Banque des territoires pour accompagner les collectivités dans la gestion du littoral, constitue une avancée notable. Cependant, le refus persistant de nombreuses communes de transférer leur compétence urbanisme aux Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) freine une approche cohérente à l’échelle du territoire.
Repenser la gestion du littoral et son financement
Pour faire face aux défis du climat et aux événements extrêmes, il est impératif d’anticiper et d’adapter les politiques d’aménagement. Les projections sont alarmantes :
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D’ici 2050, les départements littoraux méditerranéens devraient supporter 485 millions d’euros par an en indemnisations pour les seules inondations, hors submersion marine.
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À l’horizon 2100, la valeur des biens exposés à la montée des eaux pourrait atteindre 11,5 milliards d’euros, si aucune mesure préventive n’est prise.
Dans ce contexte, il est nécessaire d’adopter une approche proactive :
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Accélérer la gestion intégrée du trait de côte en combinant défense, adaptation et relocalisation des équipements sensibles.
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Renforcer l’implication de l’État avec une vision régionale et interrégionale des problématiques.
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Mobiliser des financements innovants, en utilisant davantage la taxe sur la gestion des milieux aquatiques et en augmentant les ressources liées à l’occupation du domaine maritime.
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Mettre en place une stratégie préventive de relogement pour limiter l’impact des catastrophes naturelles et réduire la charge financière de l’indemnisation.
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Créer des établissements fonciers dédiés capables de porter des projets de recomposition spatiale, en s’appuyant sur un financement mixte associant solidarité nationale et locale.
Vers une politique littorale durable et résiliente
L’aménagement du littoral méditerranéen ne peut plus être pensé comme par le passé. Face aux risques croissants et à l’urgence climatique, l’heure est à l’action. Une vision à long terme, intégrant la réalité des menaces et des solutions d’adaptation, est indispensable pour préserver cet espace tout en assurant son développement durable.
Les collectivités locales, bien que confrontées à des défis de gouvernance et de financement, doivent accélérer l’adoption de politiques résilientes et renforcer leur coopération avec l’État et les acteurs économiques. Seule une approche coordonnée et ambitieuse permettra de concilier attractivité du littoral, protection des populations et préservation de l’environnement.
Source: Cours des Comptes