Quand le sol gronde au cœur de la Birmanie

Le 28 mars 2025, à 12 h 50 (heure locale), un séisme d’une magnitude estimée entre 7.7 et 7.9 a violemment secoué la région de Sagaing, non loin de Mandalay, la deuxième plus grande ville de Birmanie. Cette secousse a duré entre 80 et 90 secondes. C’est l’un des tremblements de terre les plus puissants enregistrés dans le pays depuis plus d’un siècle. L’événement a provoqué des secousses ressenties dans tout le centre du pays, jusqu’en Chine et dans le nord de la Thaïlande.

Ce séisme profond, situé à une dizaine de kilomètres sous la surface, a laissé derrière lui un paysage bouleversé et une population meurtrie. Des milliers de bâtiments ont été touchés, de nombreuses infrastructures détruites, et le bilan humain s’est rapidement alourdi.

Une faille en furie, longue de plusieurs centaines de kilomètres

Le séisme a été provoqué par une rupture le long de la faille de Sagaing, une faille décrochante majeure qui traverse la Birmanie du nord au sud. La rupture s’est propagée sur environ 400 à 460 kilomètres, avec un glissement latéral qui a atteint jusqu’à 5 à 6 mètres à certains endroits.

Les spécialistes ont observé un phénomène rare : la propagation de la rupture à une vitesse dite "supershear", c’est-à-dire supérieure à celle des ondes sismiques classiques. Ce mode de rupture, qui amplifie l’intensité des secousses, n’avait été que très rarement documenté dans le monde. Après une première phase extrêmement rapide, la rupture a temporairement ralenti avant de reprendre une vitesse encore plus importante, montrant à quel point la dynamique de cette faille est complexe et redoutable.

Le glissement capturé en direct : un instant inédit

Pour la première fois dans l’histoire sismologique, une caméra de surveillance a capté la rupture d’une faille en surface, en temps réel. À environ 120 kilomètres au sud de l’épicentre, la vidéo montre clairement le sol se fendre et se décaler latéralement de 2,5 mètres en à peine plus d’une seconde. Ce document exceptionnel permet d’observer, image par image, le mouvement du sol au moment précis de la rupture.

Au-delà de l’émotion suscitée par ces images, cette observation visuelle directe offre aux chercheurs une matière précieuse pour mieux comprendre les mécanismes de rupture en surface. Elle permet aussi de sensibiliser les populations à la réalité physique et soudaine de ces phénomènes.

Des vies brisées et un pays à reconstruire

Le séisme a causé la mort de plus de 5 400 personnes et a blessé plus de 11 000 autres. Des centaines sont toujours portées disparues. Les régions de Mandalay, Sagaing, Magway et Bago ont été parmi les plus touchées. Des millions de personnes ont ressenti des secousses d’une violence extrême.

En quelques minutes, plus de 120 000 bâtiments ont été endommagés ou détruits, dont près de 49 000 se sont totalement effondrés. Parmi eux, de nombreuses écoles, hôpitaux, monastères et maisons traditionnelles en bois. L’aéroport de Mandalay a été partiellement touché par une réplique de magnitude 6.7, survenue moins d’une heure après le choc principal.

Les pertes économiques sont évaluées à près de 11 milliards de dollars, soit environ 14 % du produit intérieur brut du pays. Le réseau routier a également souffert, en particulier l’autoroute Yangon–Mandalay qui s’est effondrée à plusieurs endroits.

Patrimoine ébranlé, solidarité en marche

Au-delà des pertes humaines et matérielles, ce séisme a bouleversé le patrimoine birman. Des lieux historiques, comme la cité royale d’Inwa, ont été gravement endommagés. Plus de 75 % de ses structures auraient été affectées. Le gouvernement a déclaré l’état d’urgence dans plusieurs régions et l’aide internationale s’est rapidement organisée. Des pays voisins, des ONG et des agences des Nations Unies ont déployé des secours, des équipes de sauvetage et du matériel médical.

Une opération humanitaire majeure a notamment permis d’acheminer nourriture, eau, abris et équipements sanitaires dans les zones les plus sinistrées, en particulier autour de Mandalay et de la plaine centrale.

Un choc qui éclaire les failles du futur

Ce séisme d’une ampleur exceptionnelle restera dans les mémoires comme un tournant scientifique et humain. Il marque l’histoire de la Birmanie, mais aussi celle de la recherche sismologique mondiale grâce aux données inédites collectées en temps réel.

Ce drame soulève des questions sur la préparation des villes aux séismes, les normes de construction, la sensibilisation des populations et la capacité de résilience dans un pays déjà confronté à des tensions politiques majeures. Reste à espérer que cette tragédie servira de tremplin pour une meilleure éducation au risque, une solidarité renforcée et une reconstruction plus durable.