Imaginez une île où les volcans dominent et les cyclones frappent, mais où une autre menace, moins visible, subsiste : les installations industrielles. À La Réunion, elles sont peu nombreuses mais permettent de couvrir les besoins énergétiques d’un territoire insulaire de près d’un million d’habitants. Comprendre comment elles fonctionnent, quelles communes sont concernées, et ce qui a déjà pu se passer, c’est mieux percevoir un risque qui reste rare… mais réel.
Le contexte industriel réunionnais
La Réunion compte environ six sites classés Seveso, dont cinq de « seuil haut » et un de « seuil bas ». Ces établissements rassemblent des industries chimiques, des dépôts d’hydrocarbures, de gaz liquéfié ou de fabrication d’explosifs — autant de sources potentielles d’accident. Au total, près de 400 installations classées (ICPE) sont identifiées sur l’île.
Où se concentrent les sites à risque ?
Le Port est un nœud industriel majeur : on y trouve le dépôt de la Société Réunionnaise des Produits Pétroliers (SRPP) soumis à un Plan de Prévention des Risques Technologiques (PPRT) depuis 2014. Il assure notamment la gestion des risques liés au stockage d’hydrocarbures liquides et de gaz liquéfiés.
La commune de Saint‑Paul abrite elle aussi un site sensible : un dépôt d’explosifs civils exploité par Bouygues TP, avec un PPRT approuvé depuis 2012.
Enfin, Le Tampon accueille un dépôt de munitions du Service Interarmées des Munitions (SIMu), avec un PPRT validé en 2016. Ces plans encadrent l’urbanisation, fixent des marges de sécurité et imposent des modalités de communication avec les riverains.
Un accident marquant : Sainte‑Marie en 2005
Le 29 décembre 2005, un réservoir enterré de kérosène a débordé sur la commune de Sainte‑Marie. Bien qu’il n’y ait eu aucune victime, l’incident a causé des dommages environnementaux sérieux. Cet événement reste le seul accident industriel significatif recensé à La Réunion.
Cette expérience a poussé les autorités à renforcer la prévention, via inspections des installations, études de dangers (ÉDD), et commissions de suivi de site (CSS), notamment autour des établissements Seveso.
Comment l’État et les collectivités encadrent-elles ce risque ?
Le Dossier Départemental des Risques Majeurs (DDRM), élaboré sous l’égide de la préfecture, recense pour chaque commune les risques technologiques et naturels. Il informe le public, les élus et sert de base aux documents locaux comme le DICRIM ou le Plan Communal de Sauvegarde.
Les PPRT imposent une limitation stricte des constructions autour des sites industriels et une information régulière envers la population. Trois d’entre eux sont en vigueur (Port, Saint‑Paul, Tampon).
Les Commissions de Suivi de Site (CSS) favorisent le dialogue entre exploitants, collectivités et riverains. Elles sont obligatoires autour des sites Seveso seuil haut, notamment pour les installations de stockage potentiellement dangereuses.
À quoi faut‑il rester vigilant aujourd’hui ?
Le risque industriel à La Réunion demeure rare mais possible, avec un seul incident notable depuis deux décennies. Il se concentre principalement sur quelques communes à l’Ouest (Le Port, Saint‑Paul) et au Nord (Sainte‑Marie).
La croissance démographique prévue d’ici 2030 renforce l’enjeu : plus de 150 000 habitants supplémentaires, avec une densification urbaine autour des zones industrielles, ce qui accroît la vulnérabilité des populations riveraines.
Comment les citoyens peuvent-ils se préparer ?
Chaque habitant peut consulter le rapport Géorisques ou télécharger le DICRIM de sa commune, pour connaître les risques présents localement.
En cas de vente ou location d’un bien, l’État des Risques Réglementés (ERRIAL ou IAL) doit mentionner l’exposition aux risques industriels lorsque le bien est situé près d’un site industriel ou en zone Seveso.
Par ailleurs, les exploitants organisent des campagnes d’information destinées aux riverains tous les cinq ans, complétées par des réunions publiques ou des brochures.
Dans un paysage tropical souvent dominé par la crainte des cyclones ou des éruptions volcaniques, le risque industriel reste discret : peu fréquent, localisé, mais tout à fait réel. Entre Le Port, Saint‑Paul, Sainte‑Marie ou Le Tampon, chaque site est soumis à une surveillance stricte, des plans de prévention et une concertation permanente.
Le défi pour l’avenir ? Faire vivre une mémoire collective réaliste et active, dans les écoles, les communes, les foyers, afin que chacun comprenne : derrière les quelques infrastructures industrielles, se tient une responsabilité partagée – citoyenne, communale, étatique.